Avec son nouveau couteau pliant baptisé le “Laguiole d’Ici”, Forge de Laguiole obtient le label officiel d’Indication Géographique (IG) “Couteau de Laguiole”.
Nouvelle étape de la guerre entre les couteliers de l’Aubrac et ceux de Thiers autour de l’indication géographique à propos du célèbre couteau. Petit rappel de l’histoire tourmentée entre les deux protagonistes. D’abord, le contexte : le couteau est bien né il y a plus de 150 ans dans le village de Laguiole. Cependant, pour faire face à la demande et après le déclin de la production locale entre 1950 et 1985, toute la production part à Thiers, capitale de la coutellerie française. Ainsi, durant toute cette période, l’essentiel des couteaux, lames et pièces détachées, fut fabriqué à Thiers. Lors du redressement de la production locale dont Forge de Laguiole n’est pas étrangère, la bataille fait rage entre les deux villes pour s’octroyer la précieuse IG, tout en laissant les copies asiatiques inonder le marché… mais c’est une autre histoire.

En 2022, l’INPI (Institut National de la propriété Industrielle) tranche et donne l’IG “Couteau Laguiole” sans le “de” aux modèles pouvant être indifféremment fabriqués en Aveyron, en Lozère, dans le Cantal, la Loire, l’Allier et le Puy-de-Dôme. Une vaste zone vite contestée par les couteliers de l’Aveyron qui portent l’affaire devant les tribunaux. C’est la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence qui donne son verdict en 2024 en réduisant la zone géographique au seul bassin de l’Aubrac. Une décision qui permet à Forge de Laguiole de lancer ce couteau pliant d’exception “Laguiole d’Ici” doté du précieux label IG “Couteau de Laguiole”, cette fois le “de” apparaissant dans l’indication, ce qui renforce son origine. Un modèle riche en symboles avec son manche de 12 cm façonné dans un chêne subfossile vieux de plus de 5 000 ans pour marquer l’histoire. Une lame forgée en acier français rend hommage à l’outil d’origine et les finitions font apparaitre un losange au lieu de la croix du berger. Enfin, la croix de Saint-André, ciselée au-dessus de la lame, rappelle les armoiries protectrices d’André, l’un des premiers doms d’Aubrac. Il est accompagné d’un certificat d’authenticité et sa lame porte la mention IG gravée sur le talon.
“Ce couteau n’est pas un simple objet, c’est une part d’identité locale qui permet à un client de s’assurer que son couteau de Laguiole provient bien de son berceau historique et non d’une production extérieure”, indique Honoré Durand, président du syndicat des couteliers de Laguiole, qui souligne que l’aspect juridique n’est pas encore totalement terminé.


En effet, si la vie est belle aujourd’hui pour Forge de Laguiole, l’histoire rebondit encore une fois car l’Association Thiernoise Couteau Laguiole Aubrac Auvergne (CLAA), qui réunit 36 couteliers de Thiers et 5 de Laguiole, se pourvoit en cassation arguant du fait que 400 emplois directs sont liés à la fabrication des couteaux Laguiole avec la sous-traitance. Un jugement très attendu qui devrait être prononcé début 2026 et qui tient en émoi autant le monde politique que les artisans eux-mêmes. “Ce serait catastrophique pour la filière que la production s’arrête à Thiers”, explique Yann Delarboulas, président de l’association CLAA.
Personne ne peut dire comment cette histoire va se terminer, mais une chose est certaine, il sera bon que, quel que soit le verdict, les entreprises françaises fassent front afin de faire face aux milliers de copies asiatiques qui inondent le marché et portent atteinte à l’histoire du célèbre couteau de berger. Sachez que même si la situation reste comme cela, les marques qui fabriquaient des Laguiole avant le jugement pourront continuer, mais que si l’origine vous importe, seuls les couteaux porteurs de l’IG vous en garantiront la provenance. Rappelons également que l’Europe va reconnaitre dès décembre 2025 les IG qui protègent les produits artisanaux et industriels dont la qualité, la réputation ou les caractéristiques sont liées à leur origine géographique.