À n’en pas douter, Le Slip Français est de loin la plus iconique des start-up du made in France. À partir d’un produit somme toute banal, la marque prendra un envol spectaculaire grâce à une communication osée, décalée, humoristique et très engagée, parfait reflet de son fondateur, Guillaume Gibault.
Depuis 10 ans, Guillaume Gibault nous martèle que si l’on veut changer le monde, il faut commencer par changer de slip. Bon, je veux bien, le message a le mérite d’être clair, mais qu’est-ce qui peut bien pousser un ancien étudiant d’HEC à se lancer dans la fabrication de slips ? Une histoire 100 % made in France.
L’entrée de Guillaume dans le monde du travail se fait en costard cravate chez General Electric, mais son horizon ne s’éclaire pas pour autant. Nouvelle recherche et atterrissage chez Bio c’ Bon, où il apprend la gestion de terrain aux côtés du fondateur de la marque. L’expérience est enrichissante, mais il comprend très vite qu’il n’est pas chez lui, que son âme d’entrepreneur est frustrée et ne demande qu’à s’épanouir. Je vous passe le pari avec ses potes et son intérêt pour la mode car le plus important reste sa vision claire de la puissance qu’Internet peut offrir pour dynamiser l’industrie de ce qu’il appelle la fringue essentielle. Le slip apparaît comme le basique par excellence. Petitesse, légèreté, achat direct sans essayage et fidélité à une marque en sont les caractéristiques principales. Mais ce n’est pas tout, Guillaume veut également fabriquer en France.
La première collection voit donc le jour en septembre 2011 avec plus de 600 slips qu’il va rapporter chez lui et vendre sur Internet. Dans le même temps, le made in France devient un slogan politique sans précédent avec Arnaud Montebourg qui pose avec sa marinière, sa montre Herbelin et son robot Moulinex. Peu après, le made in France s’invite dans la campagne présidentielle de 2012. On se souvient du détournement de l’affiche de François Hollande qui donne encore plus de force au slogan du Slip Français pour changer de monde.
Car c’est bien sur ce terrain que l’entreprise s’engage réellement. Guillaume s’entoure peu à peu de collaborateurs qui partagent ses convictions profondes sur la manière de faire. “Nous avons appris en avançant, sans jamais perdre de vue que l’entreprise doit avoir un impact positif. Ce qui me fait me lever le matin, c’est la portée sociétale de la boîte, bien avant le CA dégagé”, explique Guillaume. Très vite, Le Slip Français devient le fer de lance d’une nouvelle génération d’entrepreneurs du made in France et il n’hésite pas à partager son expérience dans des tutos pratiques et funs pour aider ceux qui veulent se lancer.
L’année 2014 est une date marquante avec la sortie de la première collection en collaboration avec Saint James, l’ouverture de la première boutique “Le Temple du Slip” à Paris et la première des huit années en soutien à l’AFM Téléthon. Plus de 600 000 euros seront ainsi reversés grâce à la vente du bonnet “Bouge ton Pompon” tricoté chez Ateliers Peyrache.
Première collection féminine du Slip. Dernière collection en dentelle française.
Peu à peu, la gamme s’étoffe, mais toujours avec des basiques. “La majorité de nos produits sont ce que j’appelle des permanents, ce qui évite de céder aux diktats de la mode et de la surproduction”, explique Guillaume Gibault. “Pour autant, nous devons avancer et en 2017, nous étions fiers de présenter notre gamme féminine”. La réussite du Slip Français repose sur l’engagement sociétal de l’entreprise. “Nous sommes aux côtés de 1083 pour développer de nouvelles matières éco-conçues avec le projet Mon Coton. En 2019, nous avons lancé le premier pull en laine 100 % française. Cette implication permanente de nos stylistes trouve écho auprès des consommateurs qui partagent nos valeurs”, indique Guillaume.
Jogging Doudou : 100 €. Pull mixte en laine française : 160 €.
Crise du Covid oblige, il est l’un des premiers en 2019 à se soucier de la production des masques et des vêtements de protection. Avec le Comité Stratégique de Filière (CSF) Mode et Luxe présidé par Guillaume de Seynes, ils vont créer Savoir Faire Ensemble. En quelques semaines, l’initiative rassemble plus de 1 450 entreprises de la chaîne de l’industrie textile mode et habillement pour qu’elles se coordonnent autour de la production de masques et de sur-blouses en tissu made in France. Savoir Faire Ensemble devient alors le plus grand groupement du secteur de France et a contribué, depuis, à la confection de plus de 200 millions de masques grand public et 15 millions de sur-blouses.
Guillaume Gibault chez Lemahieu.
Dès lors, Le Slip Français prend encore une autre dimension et change ses statuts pour devenir Entreprise à Mission. L’engagement sociétal est au cœur de toutes les prises de décision. “Notre mission est de réinventer avec panache l’industrie textile, en fabriquant tous nos produits à moins de 250 km de chez vous”, déclare Guillaume. Ainsi l’expertise de ses 29 fabricants partenaires, souvent labellisés Entreprise du Patrimoine Vivant, et dont certains de leurs produits sont certifiés Origine France Garantie, assure une production locale et engagée. “Ce partenariat d’entreprises est un véritable écosystème qui comprend également les cultivateurs, les éleveurs, les fournisseurs de matières et d’accessoires, les filatures… Tous ensemble, nous formons une communauté dont les vies sont liées et la vision est commune”. Une position qui n’empêche pas Le Slip de franchir le cap des 25 millions de chiffre d’affaires avec ses 120 salariés et plus de 260 boutiques dont 20 en propre dans les centres villes.
Guillaume Gibault et Inès Mesmar. La Fabrique Nomade facilite l’insertion professionnelle des couturiers réfugiés et migrants.
Aujourd’hui, Le Slip Français s’engage dans un nouveau combat en s’associant à La Fabrique Nomade dont le but est de faciliter l’insertion professionnelle des couturiers réfugiés et migrants. Un partenariat sur le long terme qui attire de grands noms de la mode comme Agnès b. avec une collection capsule présentée fin septembre. Chaque dernier vendredi du mois, Le Slip Français reversera 5 % de ses ventes pour contribuer à réaliser ce défi commun.
Voilà ce que Le Slip Français a réalisé en seulement 10 ans. Une progression spectaculaire qui lui vaut autant d’être le fer de lance du made in France nouvelle génération, que la victime expiatoire de tous les grincheux et pisse-froids qui déversent leur bile sur les réseaux sociaux.