Paraboot : une histoire de famille

Que de chemin parcouru depuis 1908 lorsque Rémy-Alexis Richard se lance dans le négoce de chaussures ! Aujourd’hui, la marque Paraboot appartient toujours à la famille Richard et nous avons eu le plaisir d’échanger sur sa situation actuelle avec son directeur général Éric Forestier. (Photos Diane Moyssan)

C’est aux États-Unis que Rémy-Alexis Richard découvre de drôles de croquenots, des “boots” aux semelles en caoutchouc. Ce souvenir de “voyage” n’est pas anodin pour l’homme qui avait débuté à la fin du XIXe siècle comme ouvrier coupeur dans l’un des vingt ateliers de chaussures de son village, puis était parti tenter sa chance à Paris, avait épousé Juliette Pontvert, fille d’un riche notaire, qui avait consacré sa dot au lancement des marques de chaussures Extra et Galibier en 1922.

Alors, quand il revient de ce voyage transatlantique, débute la production de bottes et bottines garanties imperméables grâce à la semelle en caoutchouc. Le début de l’histoire Paraboot commence à s’écrire. Para, c’est le nom d’un port d’Amazonie d’où est exporté l’hévéa. Au sortir de la guerre, son fils Julien recentre les collections vers des chaussures techniques afin de se positionner sur un marché rendu concurrentiel avec l’apparition de nouvelles chaussures, aux semelles plastiques simplement collées. Bien que beaucoup moins résistantes, elles sont moins onéreuses. Mais le pari de la qualité – sportive et technique – est gagné, quelques grands noms s’en font ambassadeurs : Haroun Tazieff pour escalader les volcans, Paul-Emile Victor dans ses expéditions polaires, Jean-Louis Turcat aux commandes du Concorde et de l’Airbus…


À chaque succession, la transmission n’est pas un chausse-pied en argent, loin s’en faut. Après les déboires d’après-guerre de Julien, son fils Michel hérite d’une entreprise en proie à des difficultés avec l’effondrement du dollar et du yen qui s’avère catastrophique pour la marque qui réalise déjà 45 % de son chiffre à l’export. Il entreprend tout, il généralise l’informatique, rationalise les programmes de fabrication, diminue les coûts sans augmenter les prix. Cependant l’entreprise dépose le bilan en 1983, mais conserve le droit de continuer l’exploitation. Un coup de pouce du destin qui vient d’Italie sauve l’entreprise : le gentleman italien réinvente son apparence, veste en tweed, pantalon de velours, col roulé, il ne manque qu’une chaussure pour parfaire son look. Ce sera la Michael de Paraboot. Et le modèle iconique de devenir le soulier de la pérennité.

L’histoire de Paraboot et de la famille Richard est parfaitement détaillée sur le site de la marque. En y surfant, vous découvrirez comment naît la notoriété de cette chaussure à semelle caoutchouc. Notoriété n’est pas un mot en l’air tant Paraboot est mondialement reconnue pour ce qui a toujours caractérisé la marque : la simplicité et la durabilité de ses chaussures.

Nous avons posé quelques questions à Éric Forestier pour en savoir un peu plus sur l’ambiance et l’actualité de Paraboot depuis qu’il en a pris la direction générale en mars 2019.

Comment se fait-on une place dans une entreprise familiale plus que centenaire ?
Il faut d’abord respecter l’entreprise et les personnes qui y travaillent. Il y a toujours eu un esprit de famille chez Paraboot, on le ressent immédiatement. Alors, comme dans une famille, il faut savoir se parler, sourire, partager, s’interroger et surtout se respecter.

Comment est formée la main-d’œuvre ?
La formation se fait sur la durée, nous sommes labellisés Entreprise du Patrimoine Vivant depuis 1996 et cela conditionne la transmission des savoir-faire. Il faut plus de 5 années pour former un nouveau collaborateur à l’excellence de nos techniques à tous les postes, que ce soit pour la coupe ou le montage.

Comment expliquez-vous le succès de la Michaël, 76 ans après sa création ?
Ce modèle est très certainement le seul exemple de chaussure haut de gamme qui possède un tel pouvoir d’attractivité et d’universalité. Il est porté par les femmes et les hommes, ce qui est déjà très rare. Mais en plus, il est transgénérationnel du fait de sa durabilité. On le voit aux pieds des séniors comme des étudiants et, plus surprenant encore, il s’adresse à toutes les catégories socioprofessionnelles : cultivateur, jeune avocat, homme politique ou mannequin… Je ne connais pas une telle universalité pour une chaussure haut de gamme.

Avec une telle réussite, comment se met-on en recherche de nouveaux modèles ?
Nos modèles sont intemporels, c’est certain, mais nous avons encore de belles créations à venir car vous pensez bien qu’après autant d’années d’existence, notre atelier de création a de quoi puiser dans nos archives qui regorgent de trésors.

Tous vos modèles sont-ils fabriqués en France ?
Tous nos cuirs sont sourcés en France et toutes nos semelles caoutchouc sont vulcanisées en France. Les montages Norvégien ou Goodyear de nos principaux modèles sont également réalisés dans l’usine de Saint-Jean de Moirans. Il n’y a que nos modèles fabriqués avec la technique du cousu Blake sur cuir souple qui sont montés en Espagne dans un atelier qui ne travaille que pour nous.

Vos cuirs sont-ils obtenus par tannage végétal ?
Nous serons en « chrome free” d’ici à la collection été 2022, mais le passage ne se fait pas en un claquement de doigts. Il faut d’abord vérifier et tester que les cuirs obtenus en tannage végétal possèdent les mêmes propriétés souhaitées et exigées par notre clientèle. Pour autant, nous devons aller vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement. C’est pourquoi nous travaillons déjà avec des tanneurs français qui œuvrent dans ce sens.

Ça veut dire quoi la durabilité chez Paraboot ?
Lorsque vous croisez au sortir d’une boutique un client qui vous dit : “À dans 10 ans !” après avoir fait ressemeler pour la seconde fois sa paire de chaussures, cela en dit long sur son degré de satisfaction. Avec deux ressemelages, vous pouvez estimer que la paire est portée depuis au moins une quinzaine d’années, voire plus.

La durabilité ne freine-t-elle pas le renouvellement ?
La notion d’obsolescence programmée n’existe pas chez Paraboot, c’est un fait. Nous préférons fidéliser notre clientèle par la qualité de nos produits. En vérité, un client satisfait est aussi notre meilleur porte-parole.

Le prix est-il un handicap ?
Un modèle Michael sera porté au moins 10 ans avant de montrer des signes d’usure. Cela fait une excellente paire de chaussures à seulement 38 euros par an. Je doute qu’une paire vendue 38 euros tienne 10 ans ! Alors oui, c’est un investissement au départ, mais on lui trouve rapidement une raison, surtout si votre métier ou vos activités réclament de porter des chaussures confortables et solides tout au long de la journée.

C’est le message que vous souhaitez faire passer avec vos visuels de publicité ?
Oui, nous avons cessé depuis des années de faire des campagnes en studio avec des mannequins. Nous allons directement chez nos clients artisans pour les photographier dans leur cadre de vie, là où les chaussures sont réellement portées.

Votre CA se décompose de cette façon : 60 % Europe, 35 % Asie et seulement 5 % dans le reste du monde. Quel est votre axe de développement sur ce dernier secteur ?
Nous visons bien évidemment un fort développement aux États-Unis lorsque la période sera plus certaine et favorable au niveau des taxes. Il est clair que nos gammes répondent parfaitement à l’esprit terrien, sauvage et authentique de l’Amérique. Une authenticité qui n’est pas sans rappeler celle exigée au Japon, en Angleterre ou en Italie.

Comment passe-t-on des défilés de mode à ceux du 14 Juillet ?
Tout simplement en restant nous-mêmes avec des chaussures intemporelles, que ce soit sur le défilé du 14 Juillet aux pieds des élèves de grandes écoles militaires ou sur les podiums de mode avec des marques de prêt-à-porter comme Etudes ou le Japonais Sacai. Nous sommes également fournisseurs de bottes pour les brigades motorisées de la Police.

Quelles sont vos envies pour l’avenir ?
Perpétuer le travail engagé depuis 113 ans, conserver les fondamentaux de la marque tant sur la solidité que sur l’authenticité et l’intemporalité qui nous vont bien. Nos chaussures sont faites pour être portées, longtemps, confortablement et sans se soucier du temps qu’il fait et des effets de mode.

www.paraboot.com

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