MIF Expo 2019 : parcours 5

©KarinePaoli

Le made in France ne date pas d’aujourd’hui et il n’a jamais été un combat facile à mener, quelle que soit l’époque qu’il a traversée. Nous aurions la mémoire bien courte en oubliant que ces entreprises, parfois centenaires, ont marqué notre histoire et celle du fabriquer en France en se réinventant à chaque fois.

Les grandes marques ne meurent jamais

Lorsque j’utilise le mot combat, je pense que le terme n’est pas usurpé et montre bien la dureté et l’âpreté des différentes époques que certaines entreprises ont dû traverser. Guerres, cracks boursiers, crises du pétrole, sans oublier conflits sociaux d’ampleur nationale et quelques aléas climatiques incontrôlés sont le lot de toutes. L’histoire nous a servi son flot de tragédies dont pourtant beaucoup d’entreprises sont sorties, renaissant à chaque fois grâce à la volonté d’une poignée d’irréductibles souvent composée d’anciens cadres et des indispensables petites mains pour faire tourner les machines et transmettre les savoir-faire. Cette 8e édition du MIF Expo était à ce titre une véritable mine pour celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire de ces entreprises françaises qui se sont réinventées, au point de devenir des incontournables dont voici quelques coups de cœur.

JEANNETTE 1850

Créée en 1850, la biscuiterie connaît son heure de gloire dans les années 1970 avec près de 40 % du marché du biscuit en France. Passée de mains en mains, l’entreprise voit son chiffre d’affaires s’écrouler jusqu’à sa liquidation et aux licenciements de tous les salariés en décembre 2013, faisant alors les gros titres des journaux télévisés. En occupant leur usine pour éviter son démantèlement, les Jeannettes deviennent des femmes en lutte. Un combat qui va attirer un entrepreneur atypique, Georges Viana, qui propose un plan de reprise auquel adhèrent les ex-salariées. En 2015, la biscuiterie relance la production artisanale de madeleines de très grande qualité à Colombelles en Normandie d’où elle tire la forme en coquille Saint-Jacques de son biscuit au pur beurre d’Isigny AOP. En 2017, elle recevra même le précieux label EPV. Le côté “proustien” des Français pour la madeleine va faire le reste et la biscuiterie récemment reprise par André Réol se réinvente encore aujourd’hui avec une nouvelle équipe et des moyens financiers à la hauteur de ses ambitions à l’international.

LAFUMA MOBILIER

Comment se réinventer avec le même produit ? C’est pourtant ce qu’a réalisé Lafuma Mobilier avec son fauteuil Relax. Né au début des années 1960, ce fauteuil pliant multi-positions va connaître un succès foudroyant, voyant presque chaque année l’arrivée d’une amélioration. De nouveaux tissus, des clips de fixation à la place des élastiques, sans oublier les traitements de surface des tubes pour ne plus craindre la corrosion. Véritable monument du mobilier pliant, ce fauteuil offre la position de la gravité zéro. Celle que prend naturellement le corps humain lorsqu’il est en apesanteur, les jambes et le buste formant un angle de 127°. Une position qui permet d’apaiser la respiration, de soulager le dos et de faciliter la circulation sanguine et qui ne cesse de faire des émules dans le monde entier avec près de 250 000 Relax vendus chaque année.

LINGERIE INDISCRÈTE

Lorsqu’Aubade délocalise sa production à tout va jusqu’en Tunisie, trois ex-cadres, Christelle Bois, Béatrice Mongella et Didier Degrand, investissent leurs indemnités de départ dans la création d’Indiscrète avec l’aide des banques. Ils embauchent des ex-Aubade ravies de retrouver du travail. Dès le départ, les ventes progressent rapidement s’appuyant sur un réseau de vendeuses à domicile pour éviter d’accumuler du stock et pour permettre de confectionner en sur-mesure. Forte de son expérience dans la lingerie haut de gamme, l’entreprise s’ouvre pour réaliser du travail à façon pour d’autres marques comme Réard, spécialiste du maillot de bain de luxe. Malheureusement, au printemps 2017, c’est la catastrophe, avec le dépôt de bilan du donneur d’ordre laissant un trou financier de 100 000 € entre la production non payée et la commande perdue. Un désastre pour les ouvrières et la direction qui va chercher des repreneurs, mais se heurte à un mur. Des mois de lutte jusqu’au dénouement dramatique de juillet 2018 lorsque Didier Degrand se donne la mort dans les ateliers pendant les congés. Un drame humain terrible qui va déclencher un vaste élan de solidarité et la survie de Lingerie Indiscrète qui se réinvente aujourd’hui, entre autres, avec une collection homme composée de slips, boxers et shorties.

ENO

C’est en 1909 que la famille Haineaux commence la fabrication d’appareils de chauffage et de cuisson en fonte. L’entreprise va déménager à Niort et connaître une croissance ininterrompue jusqu’en 1978, jusqu’à sa reprise par un groupe suédois. Mais c’est en 2003 qu’Eno entame une reconversion spectaculaire avec l’apparition des premières planchas. Un mode de cuisson qui devient presque un mode de vie et qui s’installe aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. La nouvelle équipe française va transformer son outil de production pour devenir un acteur incontournable de l’émaillage de la fonte et même créer un “fablab” innovant permettant à des artistes et autres artisans invités de développer leur activité dans un complexe industriel. Le concept de la plancha ne cesse de se développer et de se réinventer avec des modèles à gaz ou électriques qui s’adaptent à toutes les situations avec un design étonnant.

SAINT JAMES

Depuis la seconde moitié du XXe siècle, l’entreprise normande installée à Saint James s’est spécialisée dans le tricotage, et pas n’importe lequel, celui du pull marin à la maille si serrée qu’elle en devient presque imperméable. Durant toutes ces années, le pull Saint James est un incontournable du vestiaire des marins pêcheurs et des plaisanciers. Le succès est tel que la marque exporte ses pulls jusqu’au Japon. Mais la crise la rattrape et l’entreprise est reprise par ses cadres et salariés qui mettent en place une nouvelle manière de concevoir le travail. Plus personne en monoposte, on passe au multitâche beaucoup plus valorisant pour l’esprit d’équipe. En 2012, Saint James obtient le label EPV et attire de plus en plus de grands noms de la mode pour la confection de ces fameuses collections capsules. Et là encore, Saint James ne fait qu’évoluer et attirer une clientèle de plus en plus large en s’ouvrant à de jeunes créateurs comme dernièrement avec Avnier, la marque d’Orelsan et Sébastian Strappazzon, ou de manière plus classique avec Pyrenex.

ALBAN MULLER

Longtemps resté un laboratoire d’extraction d’actifs végétaux et naturels fournissant les plus grandes maisons de cosmétique, Alban Muller est, depuis 2017, une marque grand public. Durant 40 années, le laboratoire s’est spécialisé dans des procédés d’extraction de plus en plus élaborés comme la “zéodratation” à très basse température, plus propre et économe en énergie. Deux années après le lancement de sa marque en propre, Alban Muller continue d’innover avec sa collection Génie Botanique. Conscient que le retour d’information client est la meilleure source d’innovation, Alban Muller reprend ses formulations existantes en intégrant la notion de bio. Le laboratoire travaille également sur les contenants avec des packs recyclables et surtout la technologie Airless qui permet de faire le vide dans un contenant et ainsi protéger la durée de vie du produit qui n’est plus en contact avec l’air. Grande nouveauté de cette fin d’année, le sérum visage baptisé Complexe Éclat Jeunesse qui prévient taches, rides et signes de vieillissement cutané dus à la lumière bleue des écrans. Il sera rejoint par d’autres innovations dans les prochains mois.

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