À l’initiative de la Région Nouvelle-Aquitaine présidée par Alain Rousset, se sont tenus les seconds rendez-vous avec les entreprises aux savoir-faire d’excellence. Toutes ces entreprises ont sensiblement les mêmes atouts, mais également les mêmes problématiques, avec cet éternel dilemme entre le respect des traditions et le besoin d’innover. Comment faire ? Sur quel levier agir ? C’était tout l’enjeu de ces rencontres placées sous le signe du partage des expériences et de l’Esprit Créateur. Tout un programme !
Ces rendez-vous prennent toute leur importance depuis l’application de la Loi NOTRe qui donne d’immenses responsabilités à la Région pour l’accompagnement des entreprises. Cependant, il faut établir des règles strictes, fixer des priorités et identifier les filières les plus emblématiques pour la mise en place d’une méthodologie efficace, pragmatique, adaptable et durable. L’Unité Filière Cuir, Luxe, Textile et Métiers d’Art de la Nouvelle-Aquitaine qui rassemble une majorité de ces savoir-faire d’excellence était donc au cœur de cette journée de rencontres et de débats. Pour nous faire une idée plus précise des relations et des liens tissés entre la Région et les entreprises, nous sommes allés à la rencontre de témoins privilégiés sur des secteurs biens différents.
Villacampa
Peu de personnes le savent, mais le ski a débuté dans les Pyrénées et c’est dans le cadre de la relance de cette activité de fabrication que la société de Jack Fauvel est soutenue par la Région. “Mon souci était de prouver que nous étions capables de créer et de fabriquer des skis d’exception et de convaincre de l’existence d’un marché du ski haut de gamme et de notre capacité à y répondre avec un produit de tradition, mais également hautement technique pour satisfaire les exigences des skieurs d’aujourd’hui”, indique Jack Fauvel. Si on lui demande comment il s’est organisé, il nous répond : “Nous avons dû créer nos propres machines outils car nous travaillons le bois en marqueterie, il faut entre 16 et 35 heures pour réaliser une paire de A à Z. Nos skis sont éco-conçus, même la semelle est un polymère et nous remplaçons les habituels champs en ABS par de l’acacia et du liège. Seules nos carres en acier proviennent d’Autriche, mais nous sommes ouverts à tous les sourcings”.
• Qu’attendez-vous de la Région ?
“Nous avons été en partie aidés pour être présents au salon MIF Expo en novembre 2018, un bon moyen de travailler notre réseau et de nous faire connaître du grand public. Mais aujourd’hui, une aide financière est nécessaire pour investir dans des machines et renforcer notre équipe pour répondre à la demande”. Villacampa est accompagnée par le Pôle de Développement Économique dans le cadre de la Promotion des Métiers d’Art & Accès au Marché.
Association des EPV du Pays Basque, du Béarn et des Landes
Patrimoine et Tourisme, c’est dans ce cadre que s’exprime cette association dont le but est de créer un réseau d’échanges et de soutien entre les entreprises pourvues du label d’État EPV. “Nous représentons les entreprises labellisées vis-à-vis des collectivités territoriales et des pouvoirs publics pour mettre en œuvre des partenariats avec les organisations professionnelles, les partenaires financiers et les médias. Notre but est de favoriser et de soutenir le développement des EPV du Pays Basque, du Béarn et des Landes”, souligne Liza Bergara, membre de l’association et septième génération dans l’entreprise familiale Maison Makhila. “Nous avons vingt entreprises membres et toutes sont partenaires de notre action. Nous organisons des journées portes ouvertes, des visites de nos ateliers et nous avons même construit un itinéraire touristique appelé La Route des Savoir-Faire d’Excellence que l’on trouve dans les Offices du tourisme. L’activité de chacun de nous est un reflet de notre histoire et de nos traditions, que ce soit pour notre bâton de marche, un sac Laffargue, une nappe Moutet ou une gourmandises Pariès”, précise Liza en indiquant que “notre rôle est aussi d’accompagner des entreprises dans l’obtention de ce label EPV, comme nous le faisons en ce moment avec les chisteras Gonzales”.
• Qu’attendez-vous de la Région ?
“Son aide financière comme beaucoup d’associations je présume, car sans cette aide, nous ne pourrions pas réaliser toutes les opérations de promotion pour faire découvrir nos métiers et créer de nouvelles vocations”. Cette association est accompagnée par la Région dans le cadre d’une opération Savoir-Faire – Patrimoine & Tourisme.
Estia
Au sein de l’École Supérieure des Technologies Industrielles Avancées, il existe depuis novembre 2017 une Chaire baptisée BALI (Biarritz Active Lifestyle Integral). “Nous voulons devenir en trois ans le centre d’information et de recherche sur les disruptions technologiques pour les industries de la mode”, indique Chloé Salmon-Legagneur, responsable de cette chaire universitaire et de l’accompagnement de jeunes entreprises innovantes. “Il nous faut dès maintenant intéresser les prochains ingénieurs à la mode 4.0, que nous les formions aux techniques nouvelles comme, par exemple, la fabrication additive qui est très utilisée par les maisons de luxe, mais qui va très vite arriver sur le prêt-à-porter et la confection en générale”, conclut Chloé Salmon-Legagneur.
• Qu’attendez-vous de la Région ?
“Son aide est indispensable en plus du soutien de nos partenaires comme Lectra, la Fondation Today Tomorrow Textiles et JPS, sans oublier Esmod, Belharra et Decathlon. Mais il nous faut agir vite pour accompagner l’industrie de la mode vers les mutations dues aux transformations technologiques comme la digitalisation de la matière, la production à la demande, l’impression textile 3D, tout en avançant également sur la responsabilité sociétale des entreprises et la traçabilité des produits.” L’Estia – et plus particulièrement la Chaire Bali – est soutenue par la Région sur le thème Numérique & Innovation.
Esprit Porcelaine
Esprit Porcelaine est une association fondée en 1984 par quatre céramistes de l’École Nationale d’Art Décoratif de Limoges. Aujourd’hui, elle compte plus d’une quarantaine de membres – artistes, designers, plasticiens et artisans – qui ont pour vocation de développer des formes nouvelles en porcelaine de Limoges. Ces derniers profitent de cette expérience tandis que de jeunes créateurs encore méconnus peuvent développer des projets et les faire connaître lors des expositions et salons auxquels participe l’association soutenue par la Région. “Ma relation avec la porcelaine a débutée en 2015 lorsque j’ai rencontré Christian Couty, membre fondateur d’Esprit Porcelaine, et que j’ai découvert cette matière et les savoir-faire qui l’entourent”, explique Michèle-Frédérique Dumas qui a fait ses premières armes dans le cabinet de Jean-Michel Wilmotte. “La porcelaine offre une grande latitude entre création et fabrication. Elle permet de travailler en amont pour dessiner un objet où l’équilibre et la pureté des formes conditionnent également sa fonction. Rajoutez à cela le travail des artisans et cela devient une collaboration très complète”. De cette collaboration est né un premier projet présenté dans le cadre du Festival Porcelaine Caféiné de Bordeaux en avril 2019. “C’est l’illustration de l’apport du design pour revisiter un objet usuel. Il s’agit de le tasse Arôma Di Caffè Nero Squisito que j’ai dessinée en collaboration avec L’Alchimiste, un atelier de torréfaction fondé par Arthur Audibert en 2014 à Bordeaux”, conclut Michèle-Frédérique Dumas.
• Qu’attendez-vous de la Région ?
“C’est un lien fort qui nous unit car Esprit Porcelaine reste un vecteur de développement économique et artistique dans une région de tradition et de savoir-faire”. Esprit Porcelaine est soutenue par la Région sur le thème Création & Innovation.
IG Porcelaine
Mondialement reconnue, la porcelaine de Limoges a cependant nécessité une protection via le label d’État d’Indication Géographique. “C’était une nécessité notamment pour nous défendre des contrefaçons européennes”, affirme Daniel Betoule, PDG de l’entreprise presque bicentenaire La Fabrique et trésorier de I’IG Porcelaine de Limoges. Qui est concerné par cette IG ? “L’idée est de fédérer petites et grandes enseignes même si, pour les mondialement connues, leur nom suffit. Reste que pour les autres, c’est une protection contre les contrefaçons, un moyen de rassurer le client final sur la qualité du produit”, souligne Daniel. Comment naît une IG ? “Nous nous sommes inspirés de celle de l’agro-alimentaire, en créant un organisme de défense chargé de créer un cahier des charges simple et efficace. Les entreprises doivent être dans le département 87, elle doivent adhérer à notre association et passer un contrôle effectué par un organisme certificateur pour obtenir le label”, précise Daniel Betoule. L’IG Porcelaine regroupe 27 membres opérateurs qui sont essentiellement des fabricants ou des décorateurs de porcelaine et compte également 15 membres associés que sont les représentations consulaires, les organismes de formation, les syndicats, la chambre des métiers, le musée et les collectivités territoriales.
• Qu’attendez-vous de la Région ?
“Son rôle est purement financier sous forme d’une subvention. Elle nous a permis de rétribuer notamment tous les professionnels indispensables à la création de ce cahier des charges, avocats spécialisés dans la propriété intellectuelle, ingénieurs certificateurs et techniciens divers”. Cette action a été soutenue par la Région dans le cadre du Programme pour la Mise en Œuvre et la Défense de l’IG Porcelaine de Limoges.
Franck Tioni
Ce sellier maroquinier fait partie du collectif d’artisans Luxe & Excellence dont la Région est un partenaire financier, et même dans une entreprise qui compte douze collaborateurs, on parle encore d’artisanat. “Bien sûr, car le cœur de notre métier, c’est la couture manuelle de tous les types de cuir. Cela demande une parfaite connaissance de toutes les techniques, d’avoir le bon outillage, de pouvoir y consacrer le temps nécessaire et aussi de posséder une dextérité particulière”, affirme Franck Tioni. La formation est donc au cœur des préoccupations de Franck : “Je travaille comme formateur dans les entreprises lorsqu’elles ont besoin d’acquérir des techniques ou des compétences nouvelles. C’est souvent lorsqu’elles élèvent leur niveau de qualité sur un produit”. La formation est encadrée et aidée dans le cadre d’un vaste programme. “Seules, les entreprises ne pourraient pas. Lorsque j’interviens, c’est aussi dans le cadre d’une politique globale qui a bien évolué, même si on peut encore faire mieux notamment en termes d’information”, précise Franck. “Le marché est toujours en mouvement car la demande est fluctuante. Il faut savoir s’adapter et il arrive fréquemment que l’on doive repenser totalement nos produits et nos gestes”.
• Qu’attendez-vous de la Région ?
“Nous travaillons avec Pôle Emploi, la Région et Opcalia sur des modules bien définis de formation en entreprise. C’est la solution pour être efficace, il faut que l’apprenti soit au contact du travail et du réel, sans cela, il ne peut être vraiment prêt”. Franck Tioni de Luxe & Excellence est accompagné par la Région dans le cadre de l’Aide à la Formation.
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