Le papier sert à tout, de notre hygiène de base à l’emballage de notre nourriture en passant par les documents officiels. Se passer du papier, c’est pratiquement impossible et même les plus fervents défenseurs de la planète estiment que ce serait une hérésie. Devant cette apparente contradiction, nous avons voulu en savoir plus sur cette filière très présente en France.
On trouve sur le site français du WWF (World Wide Fund for Nature) la phrase suivante : “Le papier peut être un matériau écologique par excellence… si et seulement si les impacts de sa fabrication sont bien gérés, de la forêt à la feuille. Un défi de taille pour un marché mondialisé”. Alors qu’en est-il en France de cette production ? Est-ce que nous consommons trop de papier ? Est-il condamné face au numérique ? Son recyclage est-il si néfaste pour l’environnement comme le disent certains ? Le papier est-il responsable de la déforestation ? Beaucoup de questions et souvent des réponses qui tiennent plus de la profession de foi que du constat de la situation réelle.
Du bois à la pâte
81 % de la consommation nationale de bois sont utilisés par les industries du bâtiment et de l’ameublement pour seulement 19 % par l’industrie papetière française. Chaque année, la demande augmente, ce qui fait varier les cours du bois et, par voie de conséquence, ceux de la pâte à papier vierge dont l’élément principal est le bois venant de nos forêts dont la gestion doit répondre aux deux certifications européennes, PEFC™ et FSC®. L’implication de l’industrie papetière dans la gestion durable de nos forêts est une réalité. La plupart des papeteries sont installées à proximité des lieux de traitement industriel des bois et pas loin des lieux de collecte du papier à recycler. Des usines sont établies au contact des exploitations forestières comme Smurfit Kappa à Biganos, à deux pas de la forêt de pins maritimes dans La Nouvelle-Aquitaine.
En France, le bois pour la fabrication de la pâte à papier provient à 70 % d’activités d’entretien de la forêt et à 30 % de chutes de l’activité de scierie. La superficie de nos forêts est en constante augmentation et couvre plus de 30 % de notre territoire captant par an plus de 64 millions de tonnes de CO2. Son entretien est donc vital tout comme son exploitation. Chaque année, nos forêts produisent plus de bois que nous en consommons et il se dit qu’en France, on ne coupe pas un arbre spécialement pour faire du papier en dehors des papiers issus de la cellulose du pin.
GreenPeace indique qu’il faut 2 à 3 tonnes de bois pour fabriquer 1 tonne de papier. Pour le WWF, la situation européenne est un bel exemple d’économie circulaire même si la faible part d’achat de papiers recyclés en pénalise encore le développement et la réduction d’impacts environnementaux et de création d’emplois. Si les emballages et les papiers journaux utilisent beaucoup de fibres recyclées, il n’en est pas de même pour les papiers d’écriture qui n’en contiennent que 10 % (source Ecofolio 2015). C’est donc vers les habitudes de consommation qu’il faut agir pour faire progresser cette part d’utilisation de papiers recyclés auprès des ménages, des entreprises et des institutions. Ecofolio indique que, pour 2015, seulement 55 à 60 % des papiers sont recyclés en France, bien en dessous de certains de nos voisins européens.
De la pâte aux papiers
La cellulose contenue dans les arbres, et notamment le pin, est la matière première pour fabriquer la pâte à papier. Elle est obtenue soit par un procédé chimique, soit par broyage mécanique. Les fibres sont lavées, épurées et éventuellement blanchies. La pâte naturelle possède une couleur écrue qui réclame un traitement pour être blanchie avec un mélange de bioxyde de chlore et de peroxyde d’hydrogène ou un mélange sans chlore constitué d’ozone et de peroxyde. Selon certaines études, il n’y aurait que peu de différences entre les deux méthodes en termes d’impact sur l’environnement.
La pâte est mêlée à de l’eau et, parfois, à du papier recyclé. On ajoute des adjuvants minéraux comme le kaolin ou le talc et d’autres produits comme des colles pour augmenter sa résistance, des colorants et même des azurants optiques pour une blancheur plus profonde. Étalé, tamisé, égoutté et pressé, ce mélange est enfin séché pour ressortir d’un laminoir sous forme de bobines.
Depuis les années 1980, les papetiers français doivent créer des stations de traitement des effluents et limiter leurs rejets polluants. La boue des stations d’épuration est valorisée quasiment à 100 % lors d’épandages agricoles et les autres déchets sont transformés en biomasse pour le chauffage de l’entreprise. Plus de 59 % de l’énergie utilisée par l’industrie papetière européenne est une renouvelable biomasse (source Ademe).
De l’utilisation au recyclage
Le tri des papiers est une source précieuse et abondante pour l’industrie papetière et cette économie de recyclage est toujours locale avec tout ce qu’elle apporte en termes d’emplois, avec une augmentation de 36 % du nombre d’emplois sur les 10 dernières années. La filière de fabrication à partir de papiers recyclés est donc toujours très proche géographiquement des centres de tri. Malheureusement, les vieux papiers représentent encore 15 % du contenu de nos poubelles. Un immense gâchis d’autant que le papier se recycle au moins 5 fois avant d’être inexploitable.
L’industrie papetière française se porte plutôt bien avec une nette augmentation du secteur des papiers d’emballage et des cartons, dopé par la croissance du e-commerce qui nécessite de nombreux produits différents pour les envois postaux.
L’industrie papetière française reste très exportatrice avec plus de 53 % de sa production qui part en majorité vers la Chine avec une demande croissante de pâte à papier que l’on devrait voir revenir chez nous sous diverses formes de papiers finis et probablement inonder notre marché. Un retour avec des conséquences néfastes pour l’environnement en raison du transport.
L’abandon et le retrait des sacs plastiques devraient également doper le marché français, mais les usines devront faire face à l’augmentation des coûts des énergies en intensifiant leurs recherches sur les moyens de l’économiser.
Encore une fois, l’avenir est aussi entre les mains des consommateurs qui devront choisir en regardant bien les étiquettes et surtout en pensant au recyclage qui est de loin leur meilleur manière de consolider une filière qui a terriblement progressé dans ce domaine.
Quelques appellations incontournables
• Le papier non couché : directement sorti du laminoir, sans aucun traitement. Le pressage empêche l’absorption de l’encre. Très utilisé en bureautique.
• Le papier couché : identique au précédent, mais il reçoit 1 ou 2 couches de finition pour obtenir une surface plus lisse et d’une porosité constante favorable aux travaux d’impression. Sa finition peut être matte, satinée ou brillante.
• Le papier offset : c’est le papier magazine le plus utilisé. Il en existe des non couchés satinés par une couche de kaolin ou de talc pour améliorer l’impression des images.
• Le papier bible : très fin, solide et résistant dans le temps, on le retrouve dans des ouvrages à forte pagination.
• Le papier ignifugé : traité en M1 non inflammable ou M2 difficilement inflammable pour l’affichage dans les lieux publics.
• Le papier recyclé : première industrie de recyclage en France, on utilise plus de 60 % de papiers et cartons recyclés pour faire un nouveau papier. On l’utilise de plus en plus en version offset, couché brillant ou mat.
• Le papier kraft : sa résistance le prédispose à tous les travaux d’emballages.
• Le papier REH : le papier Résistant à l’État Humide est employé pour l’étiquetage de produits alimentaires et aussi pour les papiers d’hygiène. Sacs en papier, filtres à café, filtres pour la mécanique, affiches publicitaires extérieures, ses applications sont très vastes.
• Les papiers de demain : Le papier numérique utilisé avec un stylo caméra, est capable de numériser tout le parcours sur la feuille et de l’envoyer vers un ordinateur ou une imprimante. Les papiers thermiques sont dotés de micro résistances électriques dont la chaleur fait se révéler des couleurs contenues dans une couche intermédiaire du papier. Les papiers électro sensibles comme les tickets de caisse dont la couche métallique superficielle est activée par de minuscules décharges électriques. Les papiers intelligents en connexion avec votre Smartphone ou votre tablette pour suivre la traçabilité d’un produit. Des chercheurs ont même développé un papier mural pouvant bloquer les ondes. À l’université de Stanford, on trouvé le moyen de stocker de l’énergie dans du papier. Enfin, il y a toutes les applications RFID que l’on peut imprimer sur du carton ou du papier.
Quelques chiffres clés